Reconquête écologique
Le projet Remora a consisté à immerger, en avril 2015, deux récifs artificiels identiques de 360 m3, à 15 mètres de profondeur, au large de Toulon. Composés chacun de 18 modules de formes variées – haie, tipi et rouleau –, ils ont été disposés à dessein de façon à pouvoir évaluer la faisabilité technique et opérationnelle d’une action de restauration. Le premier est placé sous l’influence des 60 000 m3 d’eaux usées traitées, riches en matière organique et donc en nutriments pour la faune, rejetées chaque jour par la station Amphitria ; le second, à l’écart des courants, est situé à cap Vieux. L’objectif : comparer l’action de chaque récif sur le retour et le développement de la faune et de la flore. À ce jour, Remora est entré en phase active de suivi scientifique sur cinq ans.
Dès le printemps 2016, les premières observations scientifiques sont encourageantes : l’habitat s’améliore. Les différents modules semblent jouer leur rôle d’attraction pour de nombreux poissons, crustacés, échinodermes – étoiles de mer, oursins, concombres de mer… Surtout, des espèces pionnières d’algues comme le coralligène, pouvant dépasser à certains endroits 10 centimètres, amorcent une colonisation le long des fibres synthétiques. Le programme élargit aussi sa mission d’évaluation aux environs de ces deux récifs, en particulier à l’herbier de posidonie voisin, un écosystème précieux notamment pour sa capacité à séquestrer et à stocker le carbone dans les sédiments sous-marins. Ce projet collaboratif, porté par le pôle Mer-Méditerranée et cofinancé par l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse et la fondation Veolia, s’appuie aussi sur les compétences des professionnels de l’environnement de la mer et du traitement des eaux : le concepteur de récifs artificiels DBS, le bureau d’études en environnement marin ERAMM, l’Institut océanographique Paul Ricard (IOPR), une entreprise locale de travaux maritimes (IXSurvey) et Veolia, exploitant de la station Amphitria.
Parfois, la nature a besoin qu’on lui donne un petit coup de main. Surtout lorsque l’intervention humaine l’a auparavant abîmée. Aider la biodiversité à reprendre ses droits : tel est l’objectif du projet Remora lancé en 2011 par plusieurs partenaires dont la fondation Veolia, l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse et l’Institut océanographique Paul Ricard (IOPR). Les premiers résultats sont très encourageants. Depuis les années 1990, la qualité des eaux du littoral a incroyablement progressé. À l’époque, les eaux usées de la ville étaient rejetées directement en mer, avec de lourdes conséquences environnementales.La mise en place d’un système d’assainissement a permis de considérablement limiter ces pollutions et de restaurer une qualité de l’eau très satisfaisante. Cependant, le milieu marin étant détruit, les algues, poissons et crustacés avaient disparu. D’où l’idée de recréer un habitat propice à la réapparition de la biodiversité.
Récifs artificiels
C’est au cap Sicié, dans la rade de Toulon (Var), que l’expérience a été menée. Cette zone bénéficie d’une eau de très bonne qualité grâce à la station d’assainissement Amphitria exploitée par Veolia. En avril 2015, deux récifs artificiels ont été déposés à 15 mètres de profondeur, l’un à proximité du rejet des eaux traitées, l’autre un peu plus éloigné pour pouvoir comparer les évolutions. Ces structures légères, peu coûteuses à immerger, sont formées de joncs en fibre de verre et résine époxy fixés à des blocs de béton. Ces récifs servent à la fois d’habitat, de garde-manger et même de « nursery » aux différentes espèces qui y trouvent refuge.
Deux ans plus tard, les résultats dépassent les attentes.
« Nous sommes agréablement surpris par la réaction du milieu marin. On retrouve des cycles de vie et certains animaux – calamars, seiches, crustacés et poissons – se reproduisent dans ces récifs, observe Pierre Boissery, en charge de l’expertise pour la mer et le littoral méditerranéen au sein de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse. Cela confirme que la qualité de l’eau n’est plus un frein au retour de la biodiversité. »





Restauration en quatre phases
L’IOPR, PARTENAIRE CLÉ
Le projet Remora s’inscrit bien dans la mission historique de l’institut océanographique Paul Ricard : connaître et protéger la mer. L’IOPR a d’abord lutté pour l’amélioration de qualité des eaux. « Il y a quarante ans, il n’y avait pas de station d’assainissement, les eaux brutes étaient directement rejetées dans la mer », rappelle Patricia Ricard, sa présidente. Une fois ce combat gagné, il était logique que l’IOPR s’attaque à la question du retour de la biodiversité via le projet Remora. « Nous avons apporté nos compétences en biologie, notre connaissance de la nature et la profondeur des habitats marins. La fondation Veolia, de son côté, est l’initiatrice du projet, qu’elle a contribué à financer avec l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse. C’est un beau travail interdisciplinaire associant les compétences en microbiologie, biologie marine, ingénierie et chimie. » Les résultats sont visibles par tous. Ainsi, à Port-Cros, il ne restait que 4 mérous en 1963. Ils sont aujourd’hui plus de 700. « La nuisance environnementale n’est donc pas définitive, il est possible de restaurer ! », s’enthousiasme Patricia Ricard.
L’expérience se révèle donc duplicable, à condition de bien respecter les quatre phases nécessaires à une restauration réussie : d’abord mettre en réserve des espaces remarquables, où la biodiversité est conservée ; puis améliorer l’assainissement pour rétablir la qualité des eaux rejetées en mer ; mettre ensuite en place une gestion intégrée, où chacun concourt à limiter les impacts sur le milieu marin : hôtels, services techniques, plaisanciers, agriculteurs… C’est seulement après ces actions que la restauration écologique des milieux marins peut être entreprise. « La mer est bonne fille : elle est résiliente si on évite les nuisances », souligne Patricia Ricard, présidente de l’IOPR (voir ci-contre).
Le projet Remora est d’ores et déjà un succès, et ce n’est que le début ! Veolia vient ainsi de gagner un appel d’offres pour une restauration écologique à grande échelle, près de Cassis dans les Bouches-du-Rhône.
« Les technologies seront différentes, mais la logique sera la même : recréer un habitat pour favoriser le repeuplement de zones autrefois polluées, indique Emmanuel Plessis, directeur développement de Veolia en Provence. Nous passons d’un stade de R&D à sa duplication à plus large échelle, en impliquant les pêcheurs concernés. »
Plus généralement, le Groupe va proposer dans le monde entier de compléter ses projets d’assainissement par une offre de restauration écologique.
« En Europe, la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité nous offre un grand potentiel », conclut Emmanuel Plessis.
LE SUIVI SCIENTIFIQUE DE REMORA EN CHIFFRES
5 ans d’immersion des 2 récifs artificiels
2 campagnes/an : en sortie d’hiver pour la résistance et la tenue des matériaux ; au printemps et en automne pour le suivi de la biomasse fixée et des poissons.
1ers résultats des campagnes 2015 et 2016 :
- la qualité de l’eau n’est plus un facteur limitant au rétablissement des fonctions écologiques ;
- sur un milieu sableux où l’herbier de Posidonie a disparu, retour de croissance de faune et flore spécifiques aux espèces fixées des petits fonds côtiers, au niveau des récifs artificiels.
Pour en savoir plus :
> www.fondation.veolia.com
> Reconquête d’un milieu dégradé
> www.polemermediterranee.com/Le- Pole-Mer-Mediterranee/Actualites/News/ Essai-pilote-de-restauration-ecologiqueen- milieu-marin-cotier-degrade-tel-est-lobjectif- du-projet-Remora