Choléra : Une approche multi-acteurs pour l’éradiquer

Depuis 2007, la fondation Veolia soutient la République démocratique du Congo (RDC) dans sa lutte contre le choléra. À ce jour, la RDC reste le seul pays d’Afrique à s’être doté d’une stratégie nationale d’éradication, laquelle mise beaucoup sur l’accès à une eau de qualité. Cette politique publique associe trois ministères, des ONG, des bailleurs de fonds et des partenaires privés. Mais la lutte pour l’élimination du choléra est loin d’être terminée.
L'essentiel
Enjeu
Élimination du choléra
Objectif
Mise en oeuvre d’un plan national d’élimination du choléra en République démocratique du Congo (RDC)
La réponse Veolia
Animation d’un partenariat international renforcé : identification des causes de la propagation de la maladie et modernisation des infrastructures d’eau et d’assainissement dans les deux villes pilotes de Kalémie et Uvira, dans l’est de la RDC.
Published in the dossier of novembre 2017
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Parfois improprement appelé la maladie des mains sales, le choléra est plutôt la maladie de l’eau sale. C’est en effet dans les zones où l’accès à une eau propre et à un assainissement sain est déficitaire que naissent les plus graves épidémies de choléra.

Louis Pasteur le disait déjà il y a bien longtemps : « Nous buvons 90 % de nos maladies ».

Certes, des vaccins existent, mais encore peu efficaces, en particulier chez les enfants de moins de 5 ans, et d’un usage très limité.
 

Thierry Vandevelde, délégué général de la fondation Veolia

S’attaquer aux causes

Pour Thierry Vandevelde, délégué général de la fondation Veolia, « la vraie réponse durable aux épidémies de choléra et d’autres maladies d’origine hydrique se situe donc dans le renforcement de l’accès à l’hygiène, à l’eau et à l’assainissement. Cette approche hygiéniste est aujourd’hui grandement facilitée par les progrès de l’épidémiologie1, qui permet d’identifier les foyers à l’origine du déploiement de ces épidémies : les zones sources (ou hot spots). On peut donc mieux cibler la réponse et la rendre efficiente en focalisant les efforts sur ces quelques zones cibles et en promouvant une approche multisectorielles (targeted and multi-sectoral approach). C’est ainsi que la RDC, dès le départ, a conçu un plan impliquant les ministères de la Santé, des Finances et du Plan ainsi que la Regideso (Régie nationale de distribution d’eau). »

Dès 2007, la fondation Veolia soutient les travaux d’évaluation dont l’objectif est de comprendre le processus de propagation du choléra et des autres maladies d’origine hydrique dans le pays. Ces travaux s’appuient sur les résultats des recherches scientifiques menées par l’épidémiologiste Didier Bompangue2, publiés en 2009, qui établissent bien une corrélation entre l’évolution du choléra et le manque d’accès à l’eau potable. Ils identifient aussi huit zones sources dans l’est de la RDC.
Sur la base de ces enseignements, l’État lance officiellement en 2010 un Plan multisectoriel stratégique d’élimination du choléra et de lutte contre les maladies diarrhéiques (PMSEC-MD). Son parti pris : s’appuyer sur un « carré magique ». Soit un partenariat renforcé avec quatre parties prenantes : les ministères congolais, des ONG locales, des experts en matière d’infrastructures urbaines d’eau et d’énergie ainsi que des bailleurs de fonds internationaux. Avec méthode, huit grandes régions sont alors sanctuarisées pour mieux délimiter une trentaine de zones de santé3 faisant l’objet d’une surveillance renforcée. Avec l’objectif de définir puis mettre en oeuvre une démarche de prévention et de riposte contre les épidémies de choléra. Ces zones sont toutes localisées dans l’est du pays, autour des territoires lacustres propices au développement de la bactérie.

Comprendre pour agir

Aurélie Jeandron - Doctorante à la London School of Hygiene & Tropical Medecine

« L’évaluation, un volet indispensable dans les projets de développement »
« Les canalisations ne peuvent garantir, à elles seules, la qualité de l’eau distribuée si en amont la production n’est pas fiable. C’est l’un des principaux enseignements de l’étude de 2015 conduite par la London School of Hygiene & Tropical Medecine, en République démocratique du Congo. Elle avait pour objectif d’établir un lien entre les coupures d’eau potable et l’augmentation du nombre de cas de choléra et autres maladies diarrhéiques. Les chercheurs (médecins épidémiologistes) ont constaté, sur la foi des rapports établis par des ONG locales, que les cas déclarés augmentaient à chaque coupure de courant ou lors de pannes techniques dans le système de production et de distribution de l’eau.
À chaque défaillance du système de traitement des eaux – une coupure d’eau d’une durée d’un jour –, ces rapports notaient une augmentation de 155 % du nombre de personnes contaminées ou supposées l’être dans les 12 jours suivants. Les résultats de cette étude – financée par l’Union européenne, l’Agence française de Développement et la fondation Veolia – sont une aide à la décision afin d’améliorer la distribution de l’eau potable. Une fois achevée la modernisation des infrastructures d’eau, nous continuerons à mesurer l’impact des défaillances sur l’incidence du choléra. Avec l’espoir que ce travail contribue, à terme, à faire diminuer les cas de choléra et autres maladies diarrhéiques à Uvira. »

Le docteur Didier Bompangue, à l’origine de ce premier plan, a depuis été nommé par le ministre de la Santé coordinateur du Programme national d’élimination du choléra et de lutte contre les maladies diarrhéiques (Pnechol-MD). Il se rappelle qu’à l’époque il « remerciait le docteur Vandevelde pour avoir osé faire confiance à [son] approche et à celle de [ses] collègues épidémiologistes de l’université de Besançon, quand personne n’avait encore bien compris ce sur quoi nous travaillions ». Huit missions de terrain ont ainsi été organisées avec la fondation Veolia entre juillet 2005 et mars 2009.

Avec l’appui du ministère « nous avons construit patiemment un système de surveillance épidémiologique grâce aux nombreux partenaires qui, sur le terrain, nous ont permis de vérifier nos hypothèses. Notamment celles de définir géographiquement les zones d’études prioritaires. Ce système permet aujourd’hui de disposer de bases de données mises à jour à la semaine près », souligne l’épidémiologiste.

Ce système de surveillance montre alors que les personnes riveraines d’un lac en RDC ont 7,5 fois plus de risques d’être touchées par la maladie. À l’image de Kalémie et Uvira, sur les rives du lac Tanganyika, principaux foyers permanents du choléra4. Intervenant dans ces deux villes, la fondation Veolia avance une stratégie en deux temps. Tout d’abord, comprendre comment se diffuse la maladie.

« La solution peut alors venir d’un meilleur accès à l’eau dans certains points, de l’assainissement dans un autre », rappelle Thibault Constant, chargé de ce projet à la Fondation.

Dans une seconde phase, des schémas directeurs d’hydraulique sanitaire favorisant l’accès à l’eau et le contrôle des épidémies sont rédigés sur un mode collaboratif qui associe les experts de Veoliaforce, les médecins épidémiologistes congolais, les ingénieurs hydrauliciens de la Regideso et des ONG de terrain.

Actualité brûlante

Ces schémas débouchent sur la réalisation de travaux d’infrastructure. Déjà bien avancés à Kalémie (355 000 habitants5), en partenariat avec l’ONG Solidarités International, ils démarrent à Uvira (400 000 habitants), au Sud Kivu, avec l’appui de l’ONG britannique Oxfam et de la Regideso. Et bénéficient d’un financement de 8 millions d’euros provenant de l’Agence française de Développement, de l’Union européenne et de la fondation Veolia. Les résultats sont déjà tangibles à Kalémie, qui propose un meilleur accès à une eau de qualité aux points d’accès et à domicile. En découle un nombre d’abonnés en augmentation, renforçant ainsi la capacité d’autofinancement de la Regideso, gage de modernisation et de développement de nouvelles infrastructures d’eau et assainissement. Pour autant, en dépit des investissements déjà réalisés et de la mise en place depuis dix ans de cette coordination multisectorielle, sous l’autorité du Comité national d’action de l’eau, de l’hygiène et de l’assainissement (CNAEHA), l’élimination du choléra reste une question d’actualité brûlante.
Entre le début 2017 et la fin août, la RDC enregistrait 528 décès dans près du tiers de ses 26 provinces. « Nous devons poursuivre notre effort solidaire et sa voir financer collectivement la construction d’usines de production d’eau et de réseaux d’assainissement, sans oublier l’éducation, comme réponse à l’hygiène », analyse Thierry Vandevelde. Totalement en phase avec cette conviction, le Dr Bompangue précise que « cette crise montre plus que jamais la nécessité de travailler en profondeur sur ses raisons structurelles ».

Le choléra en chiffres clés

Les chiffres sont complexes : en 2016, 132 121 cas ont été signalés à l’OMS par 38 pays, avec un taux de mortalité de 1,8 % (source Weekly Epidemiological Record 2017, 92, 521-536). Les estimations établies par les médecins épidémiologiques parlent de 4 millions de cas dans le monde, et de 21 000 à 143 000 décès chaque année.

Le choléra en deux mots Cette infection diarrhéique aiguë, dont on peut mourir en quelques heures en l’absence de traitement, est provoquée par l’ingestion d’aliments ou d’eau contaminés par le bacille Vibrio cholerae (Source OMS). En savoir plus : www.fondation.veolia.com

 

1- L’épidémiologie est une discipline scientifique qui étudie la fréquence des maladies et leur répartition, les facteurs de risques et les décès. (Source FuturaSanté).
2- Didier Bompangue, « Dynamique des épidémies de choléra dans la région des grands lacs africains : cas de la République démocratique du Congo », Écologie, Environnement. Université de Franche-Comté, 2009.
3- Sur les 515 zones de santé que compte le Congo RDC. Source Plan national de Développement sanitaire PNDS 2011-2015.
4- Source fondation Veolia, pour en savoir plus : www.fondation.veolia.com
5 - Données 2013.