À la reconquête des sols

Selon la FAO, « la pollution des sols affecte la nourriture que nous mangeons, l’eau que nous buvons, l’air que nous respirons et la santé de nos écosystèmes ». Conscient de la complexité des sols — à la fois milieu vivant, filtre et mémoire des activités humaines, ressource foncière ou encore terrain réglementaire (codes de l’urbanisme et de l’environnement) — et des enjeux qui y sont liés, Veolia voit plus loin. Le Groupe a décidé de placer ses métiers et ses expertises au service de la réhabilitation de ces alliés durables contre le changement climatique. Et de restaurer l’épiderme des territoires pour mieux répondre aux enjeux environnementaux, sociaux et économiques de demain.
Published in the dossier of décembre 2019
Partager

L’industrialisation, l’activité minière, la densification des villes, l’intensification de l’agriculture ou encore les guerres ont contribué à la contamination des sols. Une pollution qui serait responsable de quelque 500 000 décès dans le monde en 20151, dus à des agents chimiques et pathogènes transmis à l’homme par contact direct (exposition cutanée ou inhalation de particules de sols polluées) ou via la consommation de nourriture et d’eau ayant accumulé de grandes quantités de polluants dans le sol.

Tour d’horizon en sol majeur

Actuellement, selon la FAO, « environ 33 % des sols de la planète sont dégradés, et leur état se détériore à un rythme alarmant ». Par exemple, l’Australie compte près de 80 000 sites pollués tandis que l’Union européenne élargie aux Balkans occidentaux en recense 3 millions. Aux États-Unis, au moins 1 300 sites apparaissent sur la liste des endroits pollués inscrits dans les priorités nationales. Enfin, la Chine reconnaît 16 % de l’ensemble de ses sols comme pollués. Un inventaire préoccupant qui compte par ailleurs de nombreux sites à l’abandon (mines, industries, bases militaires…) : 450 000 aux États-Unis, 200 000 au Canada, 300 000 au Royaume-Uni et 400 000 en France2. Soit des centaines d’hectares qui pourraient être traités et restaurés puis réutilisés à des fins agricoles, immobilières ou autres. Mais en dépit de ces efforts d’identification pour estimer l’ampleur du phénomène, l’absence d’une évaluation globale représente un obstacle à la mobilisation des ressources économiques nécessaires et à un engagement public et privé puissant dans cette lutte. L’urgence d’agir contre cette pollution et les multiples menaces qu’elle fait peser sur la sécurité alimentaire et la santé publique est bien mondiale.

Résolution mondiale, stratégies nationales

Lors de la 3e session de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement (UNEA3), en 2017, les pays membres ont adopté une résolution appelant à des actions plus rapides et à une collaboration pour traiter et gérer la pollution des sols : des mesures doivent être prises aux niveaux national et régional pour comprendre l’étendue de la pollution des sols sur leurs territoires et renforcer les politiques visant à prévenir, réduire et gérer la pollution des sols. À ce titre, les recherches pour mettre au point de nouvelles méthodes scientifiques de dépollution se poursuivent. Les techniques de dépollution physique toujours plus coûteuses, comme l’inactivation ou la séquestration de produits chimiques dans les décharges, sont remplacées par des méthodes biologiques, telles que la dégradation microbienne ou la phytoremédiation. Le maintien de la santé des sols ainsi que la prévention et la réduction de leur pollution sont rendus possibles par la promotion des pratiques de gestion écologiquement rationnelles, par des processus industriels respectueux de l’environnement, par la réduction de la production de déchets, par le recyclage et la réutilisation des produits et matières, et par le stockage durable des déchets.

Une combinaison d’expertises bien maîtrisées

C’est dans ce contexte international que Veolia, leader mondial de l’eau, des déchets et de l’énergie, met son expertise au service de la décontamination des sols, via un large éventail de technologies de traitement (chimiques, thermiques ou biologiques). Le choix de l’une ou l’autre, ou leur combinaison, dépend d’une multitude de critères : le niveau de réduction et/ou de stabilisation requis (en fonction de l’utilisation future), le type de polluant présent, le temps disponible, l’environnement du site, le volume à traiter et enfin le coût.

« La réhabilitation des sols est une expertise que Veolia développe depuis longtemps déjà, à travers ses différentes filiales : Sarpi avec GRS Valtech, ou Sede, explique Cédric L’Elchat, directeur général de Sarp Industries, filiale de Veolia.

Selon les cas, nous pouvons traiter à la fois les sols et la nappe phréatique. Chaque situation exige une ou des techniques spécifiques, puisque l’on traite différemment des sites pollués par des explosifs, des agents chimiques, des métaux lourds ou des hydrocarbures. Les solutions retenues peuvent être in situ, on traite alors le sol en place avec des méthodes de traitement par des pointes chauffantes ou des techniques intrusives. Selon les besoins, nous recourons à la désorption thermique3, au traitement chimique ou biologique des sols. Mais les solutions peuvent aussi être ex situ, comme avec l’excavation des sols pour les acheminer vers des centres dédiés dans les filières de Veolia. » Un marché qui pourrait rapidement s’élargir, selon Jean-Christophe Taret, directeur de la Stratégie :

« L’essentiel de nos activités est localisé en France, en attendant notre prochain développement en Chine, une géographie à tel point concernée par le sujet que le gouvernement a mis en place une législation forte en matière de traitement des sols pour les rendre propres à une utilisation industrielle, agricole ou urbaine. »

Explorer le champ des possibles

En complément de l’arsenal de technologies traditionnelles dont il dispose, Veolia explore tout un champ d’innovations d’autant plus prometteuses qu’elles sont plus naturelles, plus respectueuses des ressources, et moins coûteuses. Le Groupe s’intéresse notamment aux traitements par phytoremédiation4 et par micro-bactéries5, actuellement en phase de R&D. Tous deux sont des transpositions des savoir-faire et technologies déjà existants chez Veolia pour le traitement des eaux. « Avec la phytoremédiation, explique Jean-Christophe Taret, on s’affranchit d’un traitement chimique, mais reste à trouver le moyen de traiter à leur tour les plantes, une fois le travail de post-remédiation effectué. Comme elles sont chargées en métaux, il faut les incinérer pour éviter qu’elles ne contaminent à nouveau l’environnement. Même démarche avec les traitements biologiques : il s’agit d’identifier les bonnes bactéries, de les faire proliférer pour qu’elles deviennent plus gourmandes et absorbent davantage de pollutions et, enfin, de savoir traiter les résidus bactériels. » À partir du moment où elles sont capables de traiter des métaux et des composés lourds comme les PCB (polychlorobiphényles), de telles solutions s’appliquent à toutes les natures de destination des sols : aménagement urbain, industrie et agriculture.

Changer l’échelle des normes réglementaires

Parmi les grands enjeux à relever pour Veolia, le déploiement à l’échelle internationale de normes et méthodes de diagnostic/de caractérisation des sites et sols pollués est majeur. « Les paramètres à analyser dans le traitement des sols, l’identification de la nature ou la source de la pollution, la manière dont la pollution se propage dans le sol et l’impact sur la population et la biodiversité sont autant de données complexes qui nécessitent la généralisation d’une méthodologie, argue Jean-Christophe Taret. En commençant par les pays les plus concernés, États-Unis et Europe, c’est-à-dire les plus industrialisés. » Un point de vue partagé par Jean-François Nogrette, vice-président de Veolia Technologies & Contracting, directeur général de Veolia Water Technologies, qui souligne l’importance d’un cadre réglementaire généralisé permettant la traçabilité des sols traités : « Le besoin d’une réglementation applicable à grande échelle est important et, sans nul doute, c’est le secteur de l’eau qui sera le déclencheur d’une vision plus stricte du droit de l’Environnement. » Dotée depuis 2017 d’une méthodologie en matière de dépollution des sols, la France fait figure de leader en la matière. Et d’autres pays s’y attellent, comme la Chine qui a déjà promulgué plusieurs réglementations.

Prévenir plutôt que guérir

Comme dans de nombreux secteurs, la réparation du dommage est bien plus onéreuse que sa prévention. C’est pourquoi l’une des évolutions du marché de la dépollution des sites et sols sera l’accompagnement des entreprises et collectivités en amont, dans l’anticipation des risques de pollution. Une démarche confortée par le déploiement de réglementations préventives mais aussi par la pression croissante de la prise de conscience écologique citoyenne – largement relayée par les médias et les réseaux sociaux –, et par des politiques RSE devenues incontournables.

Ce rôle préventif accru, déjà préempté par Veolia, pourrait également être rendu possible par les progrès technologiques. « Notre booster sur ce marché est l’accès à l’eau et aux nappes phréatiques polluées. En combinant nos expertises et technologies de traitement de l’eau et des sols, et avec l’aide du digital, nous allons monter en compétences pour modéliser l’état des sols, contrôler la propagation de la pollution dans les nappes phréatiques, projette Jean-Christophe Taret. On disposera ainsi de toutes les données pour anticiper les risques de crises sanitaires liées à la pollution des sols et mettre en œuvre les solutions idoines. » Pour le directeur de la stratégie de Veolia, « la prévention va devenir dans les années qui viennent un enjeu majeur, couplé à l’enjeu de devoir nourrir une population qui ne va cesser d’augmenter. »

Réveiller un marché prometteur

Avec ses 2,7 milliards d’euros, le marché de la réhabilitation des sols est encore en devenir.

Mais « dans un contexte d’accroissement de la population mondiale et plus particulièrement des urbains, les besoins en surfaces foncières disponibles vont eux-mêmes augmenter », explique Jean-François Nogrette.

Veolia doit donc être capable d’apporter les solutions les plus acceptables d’un point de vue environnemental et sanitaire, quelle que soit la problématique ou le client concerné. Les industriels, pour avoir un droit d’opérer, doivent prendre en compte ce sujet, prévenir le risque et être capables de le traiter s’il surgit. Les villes, pour se développer, doivent proposer des emprises foncières elles aussi utilisables. Enfin, l’agriculteur doit pouvoir travailler sur les sols les plus sains possibles. « Sous la pression conjointe des autorités publiques (réglementation) et des acteurs privés (industriels notamment), il faut s’attendre à un doublement de la taille du marché dans les 20 prochaines années », prédit Jean-Christophe Taret.


1. The Lancet, octobre 2017.
2. L’Usine Nouvelle, Dépolluer les sols, un travail de fourmi, avril 2018.
3. Cette méthode de décontamination, bien adaptée aux hydrocarbures lourds comme légers, consiste à chauffer les terres entre 400 et 600 °C afin que les polluants se volatilisent, les gaz émis étant dépoussiérés et épurés par un filtre à manches.
4. Les plantes absorbent les polluants des sols, notamment les métaux (nickel, arsenic, plomb).
5. Les micro-bactéries se nourrissent de la pollution (du PCB par exemple, entre autres polluants puissants) et en accélèrent la dégradation.