Le carbone, nouvel actif du « capital sol »

À condition d’être bien gérées, les terres agricoles se révèlent une arme efficace pour atténuer les impacts du changement climatique. Cela passe par une agriculture moins émettrice de gaz à effet de serre. La clé : des pratiques agro-écologiques qui favorisent à la fois l’augmentation de la matière organique du sol et celle de la capture du carbone atmosphérique en le fixant dans le sol, améliorant au passage les propriétés des terres cultivables. Pour aider l’agriculture à relever ces défis, Veolia enracine un socle de connaissances en agronomie, à travers des partenariats de recherche internationaux, et déploie des solutions numériques innovantes.
L'essentiel
Enjeu
Diminuer les émissions de CO2 dans l’atmosphère en les séquestrant dans le sol.
Objectif
Faire de l’agriculture un acteur-clé de la sécurité alimentaire et de la lutte contre le changement climatique.
La réponse Veolia
Soutien au programme de recherche international « 4 pour 1000 » de séquestration du carbone dans le sol et mise au point de solutions innovantes pour accompagner les agriculteurs dans cette voie.
Published in the dossier of décembre 2019
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Au niveau mondial, les sols, hors sols gelés en permanence (permafrost), stockent sous forme de matière organique l’équivalent de 2,6 fois le carbone présent dans l’atmosphère. Par ailleurs, ils absorbent environ un quart des émissions mondiales de CO2. Ce stockage est assuré grâce à l’action conjuguée de la photosynthèse, qui permet d’extraire du carbone de l’atmosphère, et de la dégradation des végétaux, qui transfère vers les sols le carbone qu’ils contiennent. Cependant, l’essentiel de cette absorption est réalisé par les forêts, les sols agricoles ne jouant encore qu’un rôle secondaire. Or, une politique agricole ambitieuse permettrait de renverser la tendance et de mieux lutter contre le changement climatique. Une stratégie payante qui reviendrait, selon le ministère français de l’Agriculture, « à reconstituer la banque de nutriment du sol et à augmenter sa fertilité ». Conscient des enjeux, Veolia encourage des pratiques agricoles qui permettraient, sans changement majeur du système de production, d’accroître les stocks de carbone des sols.

SmartFertiReUse, pour une irrigation raisonnée

Valoriser les eaux usées traitées tout en optimisant la fertilisation des champs : c’est l’objectif du projet SmartFertiReuse, un concentré de plusieurs concepts : ReUse, qui confère à l’eau de station d’épuration une qualité compatible avec les critères d’irrigation ; Ferti, car il s’agit de fertiliser les cultures en même temps que de les irriguer ; Smart grâce à une interface (capteurs) de suivi et de contrôle, pour promouvoir une agriculture raisonnée. En collaboration avec la Recherche et Innovation de Veolia et Veolia Eau, Sede pilote ce projet de démonstration qui associe plusieurs laboratoires (AgroParisTech…), des partenaires industriels (Bio-UV, la start-up Ecofilae, Polymem…) et des acteurs du monde agricole (FDSEA 65, Chambre d’agriculture des Hautes-Pyrénées…). Lancé en 2018, labellisé par les pôles Agri Sud-Ouest Innovation et Aqua-Valley, et lauréat du Fonds Unique InterministérieI, il vise de premiers tests d’irrigation sans fertilisants en 2020, puis avec fertilisants en 2021.

En pratique, le module s’installe en sortie de station d’épuration et analyse les eaux traitées. Ces dernières contiennent de l’azote et du phosphore qui, en faible quantité, sont des fertilisants minéraux. Le module tient compte des quantités de ces minéraux dans l’eau et complète avec de l’azote afin de délivrer une eau optimale pour l’irrigation. À terme, cela permettrait de diminuer les ponctions d’eau dans les milieux naturels tout en assurant une irrigation des cultures tout au long de l’année, même en période de sécheresse.

« 4 pour 1 000 », ou la séquestration du carbone en agriculture

L’initiative internationale « 4 pour 1000, Les sols pour la sécurité alimentaire et le climat » (lire l'interview) a été lancée par la France fin 2015, à l’occasion de la COP21. L’idée : une augmentation de la teneur en carbone de tous les sols du monde de 4 ‰ par an permettrait de compenser l’intégralité des émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique. Appliquée dans les 40 premiers centimètres, la cible 4 pour 1 000 correspond à un stockage de carbone dans les sols de 3,4 Gt de CO2 par an, ce qui permettrait, en théorie, d’arrêter la croissance actuelle de la concentration atmosphérique en carbone.

« En tant que premier metteur en marché de composts sur le territoire national, et commercialisant aujourd’hui plus d’un million de tonnes en France, Veolia est très mobilisé sur cette initiative », précise Paul-Antoine Sebbe, directeur de Sede Environnement, le pôle agronomique de Veolia.

Signe d’un intérêt général pour le stockage de carbone, le sujet est à l’étude dans le cadre de la réforme de la Politique agricole commune (PAC) de l’Union européenne. Mais le stockage du carbone est aussi un des enjeux clés de la sécurisation des sols liés à l’alimentation.

« Dans nos pays dits développés, il n’y a actuellement pas de menace car la nourriture de la population ne fait pas défaut en terme de quantité. Mais les exigences sont de plus en plus importantes en terme de qualité, ajoute Paul-Antoine Sebbe.Cela aboutit à la réduction des intrants de synthèse qui permettent d’assurer un minimum de rendement, même dans des sols peu entretenus… Il faut donc revenir à l’un des fondamentaux de l’agriculture : le potentiel agronomiquedes sols ! »

Améliorer la teneur en matière organique de ces sols par l’utilisation de composts mais aussi grâce à des techniques culturales simplifiées permettra à la fois d’assurer la quantité et la qualité des produits alimentaires dans le futur. C’est toute la logique du projet Soil Advisor®, développé en étroite collaboration avec l’INRA.

Soil Advisor®, l’appli qui veille à la bonne santé des sols

Pour accompagner les agriculteurs dans l’adoption de pratiques raisonnées et plus respectueuses des sols, l’application Soil Advisor® « a été pensée pour qu’ils puissent optimiser l’apport d’engrais et d’amendements organiques », explique Maelenn Poitrenaud, responsable Innovation et Développement chez Sede.

Ses points forts : prendre en compte les particularités du terrain et des cultures ainsi que la pratique agronomique du professionnel, proposer une utilisation optimale de compost et prédire la capacité de stockage du carbone dans le sol. « Apporter un conseil d’utilisation sur la base de modèles agronomiques reconnus nous permet de rassurer les utilisateurs finaux et, ainsi, concourt au meilleur déploiement de nos offres, complète Paul-Antoine Sebbe. Développé en partenariat avec l’Université du Colorado et l’INRA, Soil Advisor® est aujourd’hui le seul outil du marché permettant à l’agriculteur d’optimiser sa stratégie de fertilisation organique. Cela en intégrant l’effet long terme du compost, son impact sur l’évolution de la matière organique des sols et le stockage de carbone dans le sol. »

Après cinq ans de R&D, l’application a été déployée en 2019 auprès d’un panel test d’agriculteurs et conseillers agricoles, et sera lancée en routine* dès 2020. « Les premiers retours sont très positifs, car aucun outil de pilotage de ce type n’existe aujourd’hui. De plus, les agriculteurs sont davantage sensibilisés aux bénéfices de l’utilisation de matières organiques », précise Maelenn Poitrenaud. Car au-delà de leur impact sur le climat, amendements et fertilisations organiques sont moins onéreux que les fertilisants chimiques, offrent une stabilité du rendement et une résilience aux événements climatiques (en augmentant la capacité de stockage de l’eau par le sol, ils contribuent par exemple au bon fonctionnement des nappes phréatiques).
Pour Sede, la prochaine étape est le développement d’une sonde : « Soil Diag ». Capable de mesurer et diagnostiquer en temps réel les propriétés d’un sol (carbone et matière organiques, nutriments, potassium…), elle délivre aux agriculteurs un diagnostic fiable.

« Couplée à l’application Soil Advisor®, elle leur fournira des simulations en instantané ! », s’enthousiasme Maelenn Poitrenaud.

Chiffres clés

24 % des sols mondiaux sont dégradés à des degrés divers, dont près de la moitié des sols agricoles
1 500 milliards de tonnes de carbone dans la matière organique des sols mondiaux, plus de deux fois le carbone du CO2 atmosphérique
1,2 milliard de tonnes de carbone par an pourraient être stockées dans les sols agricoles (cultures et prairies), soit un taux annuel de stockage d’environ 4 pour 1 000 par rapport à l’horizon de surface du sol
*Sources : GIEC, 2013&2014

 

En savoir plus : 

Stockage du carbone et optimisation des rendements dans la bio : les atouts de la valorisation des biodéchets

 


*Il s’agit d’un passage à une échelle plus importante, de manière moins « expérimentale » puisque seuls quelques agriculteurs étaient jusque-là dans la boucle.