Manille : interview avec Guillaume Fauvel

Référent associatif du programme pilote d’encadrement des démanteleurs de Manille, et responsable du groupe « Santé et Environnement » à Médecins du Monde.
Published in the dossier of novembre 2017
Partager

La santé comme facteur d’émancipation.

Planet / Quel bilan dressez-vous du programme pilote d’encadrement des démanteleurs, mené en partenariat avec la fondation Veolia, qui a duré 4 années, de 2012 à janvier 2017 ?

Guillaume Fauvel / Nous sommes satisfaits que les communautés de démanteleurs aient pu s’approprier les savoir-faire déclinés dans ce programme. Grâce à l’engagement sur le terrain de Triade Electronique , filiale de Veolia,  ces communautés ont appris à se protéger et à mieux valoriser tel ou tel composant. Les ingénieurs de l’entreprise sont venus 3 fois une semaine: ce temps a permis  aux ingénieurs de l’entreprise française d’établir un dialogue avec les démanteleurs qui ont ainsi pris conscience progressivement des risques liés au démantèlement de ces objets. Ils ont proposé des solutions pratiques. Comme par exemple de renoncer à brûler les câblescables pour en récupérer le métal, et d’utiliser des outils simples, qui ont été fournis par Triade, pour les dénuder. Sur les conseils de ces professionnels, les démanteleurs ont mis en place des sites de travail sécurisés, et des lieux de stockage des déchets dangereux. Ils ont ensuite mis en place de leur propre initiative des réponses collectives et individuelles, sur la base de ces recommandations.  C’est un travail qui se poursuit à ce jour.

Planet /Avez-vous quelques craintes que demain, ce programme puisse perdre de son efficacité ?

G.F. / La question de la pérennisation est toujours délicate. On a proposé et accompagné des démarches de prévention dans le cadre de ce programme en leur offrant du matériel de prévention, comme les masques, les gants, leur permettant l’accès à des outils qui permettent un démantèlement de déchets électroniques moins nocif. Tout cela a un coût. Tant que nous pouvons fournir ces équipements, nous n’avons pas trop d’inquiétude. Mais passé cette opportunité, la capacité d’autofinancement n’est pas évidente. Investir dans la prévention n’est pas une priorité pour cette population pauvre. Il s’agit pour eux de gagner un peu d’argent.

Planet / Les autorités poussent à la formalisation de cette activité. Qu’en pensez-vous ?

G.F./ C’est clairement leur objectif. Le nôtre est de nous occuper de la santé de cette population fragile. Notre agenda est en décalage avec cette priorité. Par le travail pilote que nous avons mené, un certain nombre de recycleurs, bien organisés en associations communautaires et maîtrisant désormais l’activité, vont pouvoir faire le saut, et passer plus aisément d’une activité informelle à formelle. Mais pour beaucoup d’autres, c’est moins évident. Nous pensons que cette activité à risque va se poursuivre car cela dépend de deux facteurs : le cours de ces matières premières et le volume des déchets disponible. Il suffit que les cours remontent pour que l’activité reprenne. Et comme le volume des déchets ne se tarit pas dans cette région du monde, cela dope toujours l’offre de traitement.

Planet / Vous précisez toujours « programme pilote ». Pourquoi ?

G.F. / C’est notre stratégie à MDM. Nous préférons travailler sur un projet modeste, et montrer que le  modèle que nous proposons fonctionne.